Céline avait déjà inscrit Boutier au panthéon du golf tricolore. Il ne lui manquait plus qu’à franchir un dernier échelon pour installer définitivement son nom dans la grande et belle histoire de sa discipline. Cette marche était sans doute la plus difficile de toutes. Elle a choisi Évian pour la gravir, chez elle, en France. Tout un symbole.
Son histoire avec Évian démarre à l’été 2014 lorsque la jeune Céline, alors âgée de 20 ans, entame sa première danse sur les planchers verdoyants de l’Évian Resort Golf Club. À cette époque, elle est encore étudiante en psychologie dans la prestigieuse Duke University (Caroline du Nord, USA). La Haute-Savoie révèle ainsi le caractère réservé d’une joueuse promise à un avenir radieux. Au sens propre comme au sens figuré, elle marche sur les traces des tricolores Karine Icher, Gwladys Nocera ou encore Joanna Klatten.
Elle a beau être novice dans l’exercice, elle n’en reste pas moins compétitrice et talentueuse. Bénéficiant de l’ombre entraînée par le rayonnement de ses aînées, elle profite de sa première participation pour donner au public français ses premiers frissons. Sur un tracé refait à neuf un an plus tôt, elle exprime avec prudence toute l’étendue de son savoir-faire. Cette semaine bouclée à la 29ème place, un coup derrière Karine Icher, est le premier acte de l’ère Boutier à Évian.
Les années suivantes confondront espoirs et déceptions. The Champions Course n’est pas devenu un parcours de Majeur par hasard, l’intransigeance dont il fait l’objet a fait bien des déçues. Beaucoup de joueuses s’y sont autant cassées les dents qu’elles n’y ont connu le succès. Allez dont demander à Angela Stanford, lauréate de l’édition 2018, pour qui le bilan à Évian regroupe le même nombre de top-10 et de cuts manqués (trois pour chaque, en sept participations).
Alors, depuis 2014, Céline Boutier affûte ses couteaux, peaufine sa stratégie, dessine les contours du plan de jeu parfait. Les efforts mettent du temps à porter leurs fruits. Elle a beau semer les graines, elle ne peut forcer le destin. Les années défilent et l’ancienne joueuse du Paris Country Club collectionne les top-10 de l’autre côté de l’Atlantique. Le LPGA Tour assiste à l’éclosion progressive d’une Européenne venue jouer les trouble-fête au milieu des Américaines et des Asiatiques. Conséquence directe du succès qu’elle rencontre, elle est chaque saison de plus en plus attendue en Haute-Savoie.
La native de Clamart doit désormais composer avec un paramètre supplémentaire venu corser l’équation : les espoirs démultipliés placés en elle. En l’espace de quelques années, les graines dont il était question quelques lignes plus tôt sont devenues de jolies fleurs, et c’est tout le public d’Évian qui s’est mis à rêver d’un majestueux bouquet final. Céline, la femme, doit désormais faire face à Boutier, la joueuse d’exception. Les plus assidus d’entre vous y auront reconnu le titre de notre premier article à son sujet.
Incrément par incrément, elle augmente son niveau de jeu jusqu’à atteindre la huitième place du classement mondial en mars dernier, un record pour une joueuse française. Auréolée d’un troisième titre sur le circuit nord-américain, elle en profite également pour devenir la tricolore la plus titrée de l’histoire du LPGA Tour. Anne-Marie Palli et Patricia Meunier-Lebouc ne peuvent que s’incliner devant le récital de leur digne successeur, d’autant que la seconde d’entre elles n’est pas au bout de ses surprises. La suite, vous la connaissez. Céline Boutier a remporté aujourd’hui l’édition 2023 de The Amundi Evian Championship, le premier Majeur de sa carrière déjà riche en trophées, de la Solheim Cup au LPGA Tour, en passant par le Ladies European Tour sans oublier toutes ses victoires chez les amateures.
À n’en pas douter, il y aura un avant et un après ce sacre à la fois spectaculaire et historique. En brisant enfin ce plafond de verre auquel elle se heurtait depuis tant d’années, l’actuelle 15ème mondiale rejoint à jamais la galaxie Évian, celle des joueurs et joueuses qui ont fait l’histoire de ce lieu paradisiaque. Autour de Céline, c’est toute une équipe qui vient de s’envoler au ciel avec elle : sa famille, sa préparatrice mentale Meriem Salmi, son coach Cameron McCormick ou encore son préparateur physique Manny Hernando. Devenue dans le même temps la troisième joueuse tricolore à s’imposer en Majeur, après Catherine Lacoste (US Open 1967) et Patricia Meunier-Lebouc (Kraft Nabisco 2003), elle s’offre pour de bon une place au firmament du golf français. Un jour, elle racontera ses exploits de jeunesse à celles et ceux pour qui ce rêve n’est encore qu’un doux mirage. Pour l’heure, elle continue d’éclairer cette voie devenue céleste.